IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Le Théâtre d’Alexandre Hardy, Parisien. Tome troisième

Hardy, Alexandre

Éditeur scientifique : Cavaillé, Fabien

Description

Auteur du paratexteHardy, Alexandre

Auteur de la pièceHardy, Alexandre

Titre de la pièceLe Théâtre d’Alexandre Hardy, Parisien. Tome troisième

Titre du paratexteAu lecteur

Genre du textePréface

Genre de la pièceRecueil de tragi-comédies et de pastorales

Date1626

LangueFrançais

ÉditionParis, Jacques Quesnel, 1626, in-8°.

Éditeur scientifiqueCavaillé, Fabien

Nombre de pages4

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k711614.r=Alexandre+Hardy.langFR

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Hardy-TomeIII-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Hardy-TomeIII-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Hardy-TomeIII-Preface.odt

Mise à jour2013-02-06

Mots-clés

Mots-clés français

ExpressionStyle tragique ; versification ; langue française

Mots-clés italiens

EspressioneStile tragico ; versificazione ; lingua francese

Mots-clés espagnols

ExpresiónEstilo trágico ; versificación ; lengua francesa

Présentation

Présentation en français

Contrairement à l’Épître à Monsieur le Premier, l’Avis au lecteur du tome III laisse une plus grande place à la réflexion, à la défense de l’œuvre et à l’intervention dans les querelles poétiques des années 1625-1626, celles sur la réforme de Malherbe et sur le style de Montaigne notamment. C’est un des avis les plus longs qu’Alexandre Hardy ait écrits, un des mieux pensés aussi.

Le point de départ de l’argumentation est l’histoire des arts sur le modèle de la translatio studii : les lettres françaises sont en déclin puisque les disciples de Malherbe ont appauvri la langue et la poésie françaises en renonçant à la science. Hardy propose alors d’examiner les points de la « tyrannique réformation » : la réduction du vocabulaire poétique, d’une part ; l’obsession du rythme, valable pour la poésie mondaine mais pas pour la tragédie. Tout en s’avouant admirateur de Malherbe, Hardy s’oppose aux « rimeurs » et en vient à la défense de son œuvre, en particulier de son usage de certaines rimes. Dans la lignée de Ronsard, Hardy revendique l’alliance de l’inclination et de la science pour le bon poète, à l’image d’Homère et de Virgile.

Texte contre les disciples de Malherbe, centré sur les questions d’elocutio, l’Avis au lecteur du tome III n’en est pas moins une définition en creux d’une poétique d’inspiration ronsardienne et des spécificités de l’écriture théâtrale dont Hardy avait présenté quelques éléments dans l’Avis du tome I.

Texte

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Au Lecteur

[NP1] L’honneur et la vérité m’obligent d’avertir le lecteur par forme d’apologie, que l’oracle de ce grand Ronsard, dans une sienne élégie à Grévin1, s’accomplit de nos jours, et que la poésie passe désormais chez quelque autre nation plus judicieuse et moins ingrate que la nôtre : car l’apparence de retenir davantage les Muses chez nous, après les avoir dépouillées et réduites à telle pauvreté, qu’à peine se peuvent elles servir de quelques paroles affectées, qui passent à la pluralité des voix, par le suffrage de l’ignorance, pour déplorer notre folie, et leur misère. L’excellence des poètes d’aujourd’hui, consiste en la profession que faisait Socrate, (mais [NP2] plus à propos qu’eux) de ne rien savoir2. Qu’ainsi ne soit, examinons la tyrannique réformation3, que les principaux d’entre eux veulent faire, et que des arbitres sans passion jugent après, s’il est licite de détruire les principes d’une science pour la réformer en perfection. Leur première censure condamne entièrement les fictions, ainsi que superflues, au lieu qu’une infinité de belles conceptions s’y rapportent, et se fortifient de leur appui4 : les épithètes, les patronymiques, la recherche des mots plus significatifs et propres à l’expression d’une chose5, tout cela ne leur sent que sa pédanterie. Les rythmes6 pour lesquelles ils font tant de bruit, ce sont eux qui les observent le moins, aussi se veulent-elles puiser dans une source plus profonde. Si bien que notre langue, pauvre d’elle-même, devient totalement gueuse en passant par leur friperie, et par l’alambic de ces timbres fêlés7. J’approuve fort une grande douceur au vers, une liaison sans jour, un choix de rares conceptions [NP3] exprimées en bons termes et sans force, telles qu’on les admire dans les chefs d’œuvres du sieur de Malherbe8, mais de vouloir restreindre une tragédie dans les bornes d’une ode ou d’une élégie9 ; cela ne se peut ni ne se doit, non plus que se rendre passionné partisan de Montagne, pour mettre en usage ces mots de propreté, politesse et autres plutôt que suivre l’autorité d’Amyot qui dit, polissure et propriété, de meilleure grâce10. Nos champignons de rimeurs trouvent étrange aussi qu’en poèmes si laborieux et de longue étendue que les dramatiques, je fasse dire aux personnages, exclus, perclus, expulsés, sans pouvoir au demeurant trouver une seule rime licencieuse ou forcée11 : mais lorsque ces vénérables censeurs auront pu mettre au jour cinq cents poèmes de ce genre, je crois qu’on y trouvera bien autrement à reprendre, non que la qualité ne soit ici préférable à la quantité, et que je fasse gloire du nombre qui me déplaît ; au contraire, et à ma volonté, que telle abon[NP4]dance défectueuse, se pût restreindre dans les bornes de la perfection. La force de leur calomnie m’a contraint de prendre ce bouclier plus que suffisant d’en rabattre les coups. Quiconque au surplus s’imagine que la simple inclination dépourvue de science puisse faire un bon poète, il a le jugement de travers, et croirait à un besoin que le corps pût subsister sans âme, attendu que la poésie s’anime des plus rares secrets de toutes les sciences, comme les œuvres d’Homère et de Virgile en font foi12, esquelles plus on admire, plus on trouve à admirer, ce qui n’appartient qu’aux esprits solides, et capables d’asseoir un jugement définitif sur la controverse de laquelle il s’agit ici.