IdT – Les idées du théâtre


 

Pièce poétique

La Célestine fidèlement repurgée et mise en meilleure forme par Jacques de Lavardin, Écuyer, Seigneur du Plessis Bourrot en Touraine. Tragi-comédie jadis espagnole, composée en répréhension des fols amoureux, lesquels, vaincus de leurs désordonnés appétits, invoquent leurs amies et en font un Dieu ; aussi pour découvrir les tromperies des maquerelles et l’infidélité des méchants et traîtres serviteurs

Chrestien, Florent

Éditeur scientifique : Lardon, Sabine

Description

Auteur du paratexteChrestien, Florent

Auteur de la pièceLavardin, Jacques de

Titre de la pièceLa Célestine fidèlement repurgée et mise en meilleure forme par Jacques de Lavardin, Écuyer, Seigneur du Plessis Bourrot en Touraine. Tragi-comédie jadis espagnole, composée en répréhension des fols amoureux, lesquels, vaincus de leurs désordonnés appétits, invoquent leurs amies et en font un Dieu ; aussi pour découvrir les tromperies des maquerelles et l’infidélité des méchants et traîtres serviteurs

Titre du paratexteÉlégie sur La Célestine de Jacques de Lavardin, Sieur du Plessis Bourrot, par Monsieur Chrestien

Genre du textePièce poétique

Genre de la pièceTragi-comédie

Date1578

LangueFrançais

ÉditionParis, Nicolas Bonfons, s. d. [1578], in-16.

Éditeur scientifiqueLardon, Sabine

Nombre de pages4

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626357s.

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Lavardin-Celestine-Poeme.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Lavardin-Celestine-Poeme.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Lavardin-Celestine-Poeme.odt

Mise à jour2014-10-17

Mots-clés

Mots-clés français

GenreComédie

SourcesMénandre ; Térence ; Aristophane ; Plaute

SujetInventé (feint) ; traduit en français

Personnage(s)Maquerelle

FinalitéMorale : instruire les simples et les novices ; miroir ; le vice puni sert de leçon

Relations professionnellesPoètes de la Brigade : lien entre Lavardin et Du Bellay ; poésies amoureuses de Chrestien

Mots-clés italiens

GenereCommedia

FontiMenandro ; Terenzio ; Aristofano ; Plauto

ArgomentoInventato (finto) ; tradotto in francese

Personaggio(i)Meretrice

FinalitàMorale ; istruire i semplici e i novizi ; specchi ; il vizio punito serve da lezione

Rapporti professionaliPoeti delle Brigade : legame tra Lavardin e Du Bellay ; poesie amorose di Chrestien

Mots-clés espagnols

GéneroComedia

FuentesMenandro ; Terencio ; Aristófanes ; Plauto

TemaInventado (fingido) ; traducido al francés

Personaje(s)Alcahueta

FinalidadMoral ; instruir a los simples y a los novicios ; espejo ; el vicio castigado sirve de lección

Relaciones profesionalesPoetas de la Brigada :lazo entre Lavardin y Du Bellay ; poesías amorosas de Chrestien

Présentation

Présentation en français

Le poème postfaciel du protestant Florent Chrestien présente l’intérêt de problématiser la pertinence du genre comique. Il feint ainsi d’hésiter à offrir à son « cher Lavardin » les fleurs promises, échaudé par la vulgarité de la Célestine, une maquerelle dont le nom l’avait induit en erreur, en lui laissant attendre une céleste chasteté. Il s’apprête alors à défaire son bouquet, comme Pénélope sa toile, quand intervient Thalie, muse de la comédie et de la poésie légère, laquelle, par son discours, va le convaincre de refaire son bouquet. Pour cela, la Muse accumule plusieurs images, distinguant la coquille de l’amande et expliquant que cautères et poisons peuvent guérir certaines maladies. Chrestien met donc en valeur le fonctionnement même du théâtre comique qui, par le spectacle de turpitudes (ici punies par une fin tragique), sert de miroir et de remède au vice. Mais ce fonctionnement même semble restreindre la portée du genre comique, la pièce étant réduite à inciter à la vertu « le simple et le novice ». En écartant un lecteur plus instruit, Chrestien semble donc dénier à l’œuvre toute dimension philosophique et savante (alors que l’auteur, en préface, insistait pour sa part sur les innombrables sentences morales de la pièce, empruntées de sources antiques). La comédie, par sa vulgarité, semble ici cantonnée à instruire les plus rustres.

Texte

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Élégie sur La Célestine de Jacques de Lavardin, Sieur du Plessis Bourrot, par Monsieur Chrestien.             

[NP1] Faut-il Célestine, ainsi qu’une déesse,
Reçoive un honneur de moi1 ? Ô mon cher Lavardin,
Ton Florent t’a promis des fleurs de son jardin,
Un Chrestien doit toujours accomplir sa promesse2.
5        Ne connaissant encor3 la fausse Célestine,
Amorcé de son nom j’y présentai mes vœux,
Je promis un bouquet pour orner ses cheveux,
Pensant que sa façon fût céleste et divine4.
Je m’attendais de voir une sainte pucelle,
10    Une seconde Astrée5, une autre vérité,
Ayant le front marqué d’une sévérité,
Et ne croyais rien moins qu’elle fût maquerelle.
Quand je vis que son nom n’était rien qu’un beau voile,
Son corps un ord6 vaisseau7 qui peut empuantir
15    L’odeur de la vertu, tenté d’un repentir
Je deviens Pénélope, et redéfais ma toile.
Je quitte mon bouquet, fâché je le délie,
Ne voulant point donner l’honneur de la vertu
[NP2] Au vice qui plutôt doit être combattu,
20    Mais s’en fut8 fort repris par la muse Thalie9.
Thalie à qui mon nom et les fleurs plus jolies
Doivent tout leur honneur, la reine des bouquets,
Qui jadis vertueuse aux honnêtes banquets
Faisait obliquement réciter les scolies10.
25        Elle, donc, m’accusant, comme trop téméraire,
Vint d’une douce haleine ainsi hausser sa voix :
« Rassemble-moi tes fleurs. La vieille que tu vois
Mérite bien l’honneur que tu lui voulais faire.
Si tu trouves scandale en sa méchante vie
30    Sa mort à tout le moins te sert d’instruction.
La peine de Tantale et celle d’Ixion11
Arrête nos plaisirs et bride notre envie.
On voit bien quelquefois certaines maladies
Qui se peuvent guérir par certaine poison12,
35    Le cautère brûlant apporte guérison.
Ainsi est-il du mal qui règne aux comédies.
Vois Ménandre, et Térence, Aristophane, et Plaute13,
En nous montrant le mal, il[s] nous prêchent le bien,
Par le vice d’autrui tu corriges le tien,
40    Et comme en un miroir14 tu reconnais ta faute.
Ainsi est Célestine, à qui bien la contemple,
[NP3] Nous causant une joie avecque15 la douleur,
Nous rendant malheureux avecque16 le malheur,
Et sa tragique fin nous est un bel exemple17.
45        Non, non, elle n’est pas un amorce18 à tout vice,
C’est plutôt de tout vice un remède certain :
Car un paillard puni, la mort d’une putain
Incitent à vertu le simple et le novice19.
Jamais on ne se doit arrêter à l’écorce,
50    Une simple coquille enferme un grand joyau,
Pour jouir de l’amande on casse le noyau.
Ainsi pour la vertu le vice est un amorce.
Je suis bien quant à moi une Muse gaillarde20,
Mais je n’aimai jamais un auteur dissolu,
55    Dont le but est le vice et qui aura voulu
Rendre par ses écrits la jeunesse paillarde.
Mon poète soit saint, chaste je le demande21,
Mais que ses vers le soient, il n’en est point besoin,
Sa bonne intention est suffisant témoin,
60    Puisqu’en parlant du vice, il veut que l’on s’amende.
La Célestine aussi, ou celui qui la feinte,
Ou Lavardin plutôt, noblement incité
Pour aider le français en sa nécessité22,
Ne tend à autre fin qu’à rendre une âme sainte.
65        C’est Lavardin duquel j’ai dès lors connaissance
Que23, tenant mes grands jours24 sus le mont Aventin
{NP4} Son ami Du Bellay eut le laurier latin,
Non toutefois si grand que celui de la France25. »
Ainsi parlait Thalie, excusant l’innocente,
70    Aussitôt par mes os parcourut un frisson.
J’obéis à la voix dont je suis nourrisson26,
Refaisant le bouquet qu’ores27 je représente.