IdT – Les idées du théâtre


 

Dédicace

Les Galanteries du duc d’Ossonne vice-roi de Naples

Mairet, Jean

Éditeur scientifique : Capel, Marie

Description

Auteur du paratexteMairet, Jean

Auteur de la pièceMairet, Jean

Titre de la pièceLes Galanteries du duc d’Ossonne vice-roi de Naples

Titre du paratexteÉpître dédicatoire, comique et familière

Genre du texteDédicace

Genre de la pièceComédie

Date1636

LangueFrançais

ÉditionParis, Pierre Rocolet, 1636, in-4°

Éditeur scientifiqueCapel, Marie

Nombre de pages6

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5744763z

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Mise à jour2015-06-08

Mots-clés

Mots-clés français

ComédiensRéputation des acteurs (en général)

RéceptionAutres pièces de l’auteur ; réputation des auteurs contemporains ; (manque de) reconnaissance

ExpressionBienséance des styles ; bassesse / naïveté ; tragédie / comédie ; vers

MetadiscoursStyle de l’épître / style de la pièce ; proportion architecturale

Relations professionnellesGénérations d’auteurs dramatiques (Rotrou, Scudéry, Corneille, Du Ryer, Benserade, La Calprenède) ; mécénat ; dépendance économique des auteurs dramatiques ; trajectoire d’auteur

ActualitéEspagne ; Franche-Comté (Parlement de Dole)

AutreHôtel de Bourgogne ; Louvre ; Plaute ; Térence ; Sénèque ; Longueville ; Belin ; Richelieu ; Roi

Mots-clés italiens

AttoriFama degli attori

RicezioneAltre opere dell’autore ; fama degli autori contemporanei ; (mancanza di) riconoscimento

EspressioneDecoro/ convenienza degli stili ; bassezza / ingenuità ; tragedia / commedia ; versi

MetadiscorsoStile dell’epistola / stile dell’opera ; proporzione architettonica

Rapporti professionaliGenerazioni di poeti drammatici : (Rotrou, Scudéry, Corneille, Du Ryer, Benserade, La Calprenède) ; mecenatismo ; sottomissione economica degli autori ; percorso d’autore

AttualitàSpagna ; Franche-Comté (Franca-Contea, Parlamento di Dôle)

AltriHôtel de Bourgogne ; Plauto ; Terenzio ; Seneca ; Longueville ; Belin ; Richelieu ; Re

Mots-clés espagnols

Actor(es)Fama de los actores

RecepciónOtras obras del autor ; fama de los autores contemporáneos ; (falta de) reconocimiento

ExpresiónDecoro de los estilos ; bajeza/ ingenuidad ; tragedia / comedia ; verso

MetadiscursoEstilo de la epístola / estilo de la obra de teatro ; proporción arquitectónica

Relaciones profesionalesGeneraciones de actores dramáticos (Rotrou, Scudéry, Corneille, Du Ryer, Benserade, La Calprenède) ; mecenazgo ; dependencia económica de los autores dramáticos ; trayectoria de autor

ActualidadEspana ; Franco-Condado (Parlamento de Dole)

OtrasHôtel de Bourgogne ; Louvre ; Plauto ; Terencio ; Séneca ; Longueville ; Belin ; Richelieu ; Rey

Présentation

Présentation en français

Rédigée par Mairet en janvier 1636 à l’occasion de l’édition chez P. Rocolet des Galanteries du Duc d’Ossonne, Vice-Roi de Naples – comédie écrite pour la troupe du Marais et représentée entre 1632 et 1633 au jeu de Paume de la Fontaine –, l’Épître dédicatoire adressée à Antoine Brun ne comporte pas la densité du propos théorique et méta-dramatique tenu dans la célèbre Préface en forme de discours poétique de La Silvanire, qui la précède de cinq années. Dans l’Épître, axée sur des détails autobiographiques – quoique d’une fiabilité discutable –, Mairet fournit un certain nombre d’indications concernant son parcours de dramaturge et dresse un tableau en partie satirique du mécénat des puissants. Passant en revue ses créations dramatiques, l’auteur fait valoir la précocité de son talent ainsi que son rôle de précurseur au sein d’une génération (Rotrou, Scudéy, Corneille, Du Ryer) qu’il présente comme unie dans un effort de travail assez fructueux pour surpasser les Anciens, et dont il pressent les heureux prolongements (Benserade, La Calprenède), susceptibles de confirmer la respectabilité, récemment acquise, du théâtre et des comédiens ; par contraste, le traitement financier des auteurs est jugé décevant, exception faite des largesses du duc de Longueville (dédicataire du Clitandre de Corneille) et du comte de Belin (protecteur de Mairet). Soucieux de défendre la qualité de sa comédie et d’anticiper les attaques dont celle-ci pourrait faire l’objet de la part d’un public accoutumé à ses tragédies (Virginie, Sophonisbe) et mal informé de la « bienséance des styles », Mairet prend soin de distinguer le style bas du style naïf ; si le premier apparaît comme un défaut, le second confère à son sujet une « grâce » qui assure à la comédie une dignité comparable à celle de la tragédie.

L’auteur clôt sa dédicace en soulignant la conformité du style familier de l’Épître avec celui de la pièce qu’elle introduit, sur le modèle des règles appliquées en architecture garantissant l’adéquation du « portail » et de la « maison ».

On notera que l’auteur demeure silencieux sur la question de la mise en scène des différents lieux de représentation de l’action, dont l’organisation, pourtant fort complexe, semble avoir requis un dispositif scénographique élaboré et spectaculaire (décor compartimenté à deux niveaux, analogue au système des « chambres » des corrales espagnols ; manœuvres de tapisseries ; toiles peintes coulissantes)1.

Texte

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À très docte et très ingénieux Antoine Brun2, Procureur général au Parlement de Dole.

Épître dédicatoire, comique et familière

Monsieur mon très cher ami,

[NP1] Je ne trouve aujourd’hui personne dedans ni dehors3 ce royaume de qui le nom, plus justement que le vôtre, puisse être mis en tête de cet ouvrage ; car outre que vous êtes un des plus grands ornements de votre pays4 et du mien, et que les meilleurs esprits de France, dont vous avez autrefois augmenté le nombre, font une estime très particulière de votre mérite et de votre amitié, c’est qu’avec la justice d’un si beau choix, je fais encore un acte de gratitude et de reconnaissance. Peut-être ne sa[NP2]vez-vous pas que ce peu de bruit5 que m’a donné ma plume est un effet de la généreuse émulation dont celui de la vôtre6 éveilla mon esprit, qui dormait encore alors dans la poussière et l’obscurité des écoles7. De sorte que, s’il est permis de comparer les petites choses aux grandes, les lauriers dont votre muse vous avait couronné le front firent en mon cœur le même effet et la même impétuosité que ceux de Miltiade firent en celui de Thémistocle8, et je puis dire avec le poète Vérin :

Quae didici reddo carmina Fusce tibi9.

Enfin ce fut l’audacieux désir de porter mes pas sur les vôtres qui me persuada de changer, comme je fis, à l’âge de seize ans l’air de Besançon à celui de Paris, où presque en arrivant, je rencontrai par une heureuse témérité la protection et la bienveillance du plus grand, du plus magnifique, et du plus glorieux de tous les hommes de sa condition que la France ait jamais porté, si nous ôtons les trois derniers mois de sa vie, avec laquelle toutes mes espérances ont fait un dernier naufrage10. Je sais bien, mon très cher ami, que vous ne vous offenserez pas de ma franchise, si je dis que c’est à son défaut que je vous adresse ces Galanteries du duc d’Ossonne, puisqu’il est vrai que s’il était encore au monde, ce serait lui qui les recevrait comme le véritable original de celles11 de notre cour, dont il fut si longtemps la plus éclatante lumière12. Ce fut cet illustre et déplorable13 héros

quem semper amatum

Semper honoratum sic Dî voluistis habebo14

de qui ma muse encore au berceau reçut plus d’assistance et de bienfaits dans la faiblesse de son enfance, qu’elle n’en [NP3] ose espérer désormais de tous les autres dans la vigueur de son adolescence. J’ai commencé de si bonne heure à faire parler de moi, qu’à ma vingt-sixième année je me trouve aujourd’hui le plus ancien de tous nos poètes dramatiques. Je composai ma Chryséide, à seize ans au sortir de philosophie15, et c’est de celle-là et de Sylvie, qui la suivit un an après, que je dirais volontiers à tout le monde Delicta juventutis meae ne reminiscaris16. Je fis la Silvanire à vingt et un, Le Duc d’Ossonne à 23, Virginie à 24, Sophonisbe à 25, Marc-Antoine et Soliman à 2617. De sorte qu’il est très vrai que si mes premiers ouvrages ne furent guère bons, au moins ne peut-on nier qu’ils n’aient été l’heureuse semence de beaucoup d’autres meilleurs, produits par les fécondes plumes de Messieurs de Rotrou, de Scudéry, Corneille et du Ryer, que je nomme ici suivant l’ordre du temps qu’ils ont commencé d’écrire après moi, et de quelques autres, dont la réputation ira quelque jour jusques à vous ; particulièrement de18 deux jeunes auteurs des tragédies de Cléopâtre19 et de Mithridate20, de qui l’apprentissage est un demi chef-d’œuvre, qui donne de merveilleuses espérances des belles choses qu’ils pourront faire à l’avenir. C’est par notre commun travail que le théâtre n’a presque plus rien à désirer de cette première splendeur qu’il eut autrefois parmi les Grecs et les Romains, et que nous l’avons rendu le divertissement du prince21, et de son principal ministre22, avec tant de gloire et de profit pour ses acteurs que les plus honnêtes femmes fréquentent maintenant l’Hôtel de Bourgogne avec aussi peu de scrupule et de scandale23 qu’elles feraient celui du Luxembourg24. Mais avec tout cela, mon cher ami, je puis vous as[NP4]surer que le plus habile, ou le plus heureux d’entre nous est encore à recevoir le premier bienfait des libéralités de la Fortune25 ; ce qui me fait imaginer que le vénérable abbé de Tiron26 a recueilli lui tout seul les prétentions et les récompenses de tous les poètes ses devanciers, contemporains et successeurs. Il est vrai qu’on nous fait au Louvre des sacrifices de louanges et de fumées, comme si nous étions les dieux de l’Antiquité les plus délicats, où27 nous aurions besoin qu’on nous traitât plus grossièrement et qu’on nous offrît plutôt de bonnes hécatombes de Poissy28, avec une large effusion du vin d’Arbois, de Beaune, et de Condrieux. On nous amuse29 encore d’une certaine couronne imaginaire de laurier, qui ne pourrait nous servir, quand même elle serait effective, qu’à l’assaisonnement d’une carpe au court-bouillon, et tout au plus qu’à la décoration d’un jambon de Mayence en un festin. C’est en cette matière, comme en toute autre, que notre Martial français le Président Maynard a rencontré30, ce me semble fort plaisamment, quand il a dit aux muses, parlant du poète crotté de notre gros ami Saint-Amant31,

Traitez-le plus utilement,
Le laurier n’est pas une étoffe
Dont il veuille un habillement.

Il est encore vrai que Messieurs les cordons bleus32 et les princes nous font quelquefois l’honneur de nous donner place à leurs tables et dans leurs carrosses, que même ils sont assez obligeants pour nous ouvrir leurs balustres et leurs cabinets de conversation. Mais, hors Monseigneur le duc de Longueville33, pas un qui vive ne s’est encore avisé de nous faire ouverture de ses cabinets d’Allemagne34. [NP5] Celui-là véritablement, pour s’obliger la muse d’un homme d’esprit et de suffisance, a fait une action de justice et de libéralité, qui ne rendra pas moins son jugement recommandable par le digne choix qu’il a voulu faire de la personne qui la reçoit qu’elle fera louer sa munificence, tant par la nature extraordinaire du bienfait que par les généreuses circonstances qui l’accompagnent ; cela s’appelle faire du bien de bonne grâce, et traiter les muses en filles de Jupiter. Pour moi, qui ne cherchai jamais la fortune que par les belles voies, je suis d’avis qu’un homme d’esprit fasse toutes choses belles pour mériter l’estime et la faveur des puissances, mais je ne puis souffrir qu’il en exige lui-même la récompense, puisque c’est en matière d’amour seulement qu’un honnête homme a bonne grâce de demander qu’on lui fasse du bien. Quant à moi qui connais parfaitement les inclinations de la plupart, je n’espère plus d’autre fruit de mes meilleurs ouvrages que la satisfaction de les avoir faits, avec résolution de ne les adresser désormais qu’à mes amis particuliers. Dieu m’a fait la grâce d’en trouver un tel que je le pouvais souhaiter, en la personne de Monsieur le comte de Belin35, père de celui que vous avez pu voir à la Franche-Comté36, qui, tout grand seigneur qu’il est, et d’une condition à me pouvoir commander en maître, ajoute néanmoins aux biens qu’il me fait celui de la liberté qu’il m’a laissée. C’est dans sa maison37, qu’on prendrait pour la véritable Académie des beaux Esprit, n’était que l’on y fait trop bonne chère, que je mène une vie dont le repos n’est troublé que du souvenir d’une maîtresse. Depuis Silvanire, que je composai sous les ombrages de Chantilly, je dois le reste de mes derniers ouvrages au soin qu’il a pris [NP6] de me solliciter de les faire. Voici le premier que j’ai fait auprès de lui, dont je ne doute point que ceux qui ne savent pas encore la bienséance des styles ne trouvent les vers moins forts que ceux de Virginie ou de Sophonisbe, et qu’ils ne confondent le défaut de la bassesse avec la grâce de la naïveté38, mais c’est assez pour moi que vous n’ignor[i]ez39 pas la différence qu’il faut mettre nécessairement entre le cothurne relevé de Sénèque et l’escarpin bas de Plaute ou de Térence40. C’est pour cette raison que Pline le jeune, ayant deux maisons de plaisance, l’une était sur une colline, et l’autre dans une plaine, appelait celle-ci la comédie, et celle-là la tragédie41. Je m’étendrais plus au long sur ce sujet, mais on dirait que je veux instruire mon maître42 ; je finis donc après vous avoir conjuré de faire bonne chère à mon Duc d’Ossone. Je sais bien qu’il est espagnol, qu’il sort tout fraîchement du Louvre43, et qu’il parle assez bon français, mais enfin vous le pouvez recevoir sans vous brouiller avec l’une ni l’autre couronne ; car outre qu’il ne vous va point trouver en homme de guerre, il vous est permis d’user des droits de la neutralité de votre pays44. Au reste ne vous étonnez pas du style de mon épître45, j’ai voulu le proportionner à celui de l’ouvrage qu’elle précède, et suivre en ceci les règles de l’architecture, qui veut que le portail soit de même ordre et de même symétrie que la maison. Adieu. Je suis,

Monsieur mon très cher ami,

votre très humble serviteur

et inviolable46 ami, Mairet.

De Paris, ce 4[e] jour

de janvier 1636.