Dédicace
Le Poète basque
Poisson, Raymond
Éditeur scientifique : Piot, Coline
Description
Auteur du paratextePoisson, Raymond
Auteur de la piècePoisson, Raymond
Titre de la pièceLe Poète basque
Titre du paratexteA Monsieur de Ranchain, conseiller du roi en sa cour de Parlement de Toulouse et dans sa chambre de l’Edit de Castres
Genre du texteDédicace
Genre de la pièceComédie
Date1670
LangueFrançais
ÉditionParis, Quinet, 1670, in-12°. (Numérisation en cours)
Éditeur scientifiquePiot, Coline
Nombre de pages9
Adresse source
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Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Poisson-Poetebasque-Dedicace.html
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Mise à jour2014-10-17
Mots-clés
Mots-clés français
RéceptionÉchec
MetadiscoursChoix de dédicataires illustres
Relations professionnellesRelations avec les libraires ; admiration pour Corneille
AutreAuteur dramatique
Mots-clés italiens
RicezioneScacco
MetadiscorsoScelta di dedicatari illustri
Rapporti professionaliRelazioni con i librai ; ammirazione per Corneille
AltriAutore drammatico
Mots-clés espagnols
RecepciónFracaso
MetadiscursoElección de dedicatarios ilustres
Relaciones profesionalesRelacions con los libreros ; admiración por Corneille
OtrasAutor dramático
Présentation
Présentation en français
Texte
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A Monsieur de Ranchain1, conseiller du roi en sa cour de Parlement de Toulouse, et dans sa chambre de l’Édit à Castres
Monsieur,
{NP1} Votre nom mis à la tête de cette lettre {NP2} vous fait croire aisément que je vous dédie cet ouvrage, et que dans cette longue épître je rends publiquement à votre mérite les respects que je lui rends tous les jours en secret ; mais j’ose vous dire que je n’en n’ai pas la pensée. Cette pièce est trop peu considérable pour vous l’offrir. Je vous dirais bien que sa grande réussite, et l’empressement des libraires, qui pour la mettre sous presse m’ont accablé de prières et d’argent, méritaient bien un nom aussi fameux que le vôtre ; mais je ne saurais mentir, elle a eu un destin tout contraire2. La vérité est que je croyais faire une pièce admirable, que je vous l’avais destinée avant qu’en avoir fait un vers, et que je ne puis encore m’empêcher de l’enrichir de votre nom. Excusez, je vous prie, et mon audace, et mon obstination, et ne vous en chagrinez pas davantage. Oui, j’espérais qu’elle irait [de] pair avec le Menteur, que sa réussite passerait celle du Cid ; mais je me suis {NP3} trompé. Cependant {NP4} jamais pièce ne m’a plus coûté, non pas pour l’impression, car le libraire est fort généreux, et est assurément le meilleur de mes amis. Il l’a voulu l’imprimer à ses dépens3 de la meilleure grâce du monde. Quoique je ne sois qu’une cinquième partie d’auteur, j’ai plus d’amis libraires qu’un auteur tout entier4. Ils sont tous infatués de ce que je fais ; ils me disent sans cesse que mes pièces ne se peuvent payer, et je vois bien qu’ils ont raison ; car personne n’en achète5 : si eux et moi n’en faisons des présents, nul n’en aurait que nous, et si6 ce n’est pas faute qu’ils ne crient de toute leur tête quand je suis à leur boutique : J’ai les comédies de Monsieur Poisson, Messieurs, voyez ici. Et c’est là que la joie secrète d’un petit auteur de rien ne se peut exprimer. J’avoue aussi qu’entendre son nom éclater dans le Palais7 par la bouche d’un libraire est quelque chose de bien glorieux. J’ai, grâce à mon génie, reçu cet honneur, et {NP5} goûté la joie de me voir imprimé : mais je crois que celle de se voir vendre est tout autre ; et c’est celle-là que je n’ai point encore sentie, quoique j’aie exprès été quatre ans de suite fort souvent au Palais8. Je me souviens pourtant qu’un matin je pensai bien avoir satisfaction là-dessus ; il ne s’en fallut presque rien. Un honnête homme voulut donner trois sous du Baron de la Crasse, et le libraire, en me montrant, lui dit : Tenez voilà l’auteur qui sait bien que je ne les puis donner à moins de cinq, la reliure m’en coûte deux. Dès aussitôt, cet homme, quoique mal vêtu, ne manqua ni de civilité, ni d’esprit. Il m’aborda, me traita d’illustre, et d’admirable ; me dit qu’il avait mille fois remarqué dans mes ouvrages le plus beau génie du monde ; enfin il m’accabla de tant de louanges, que je ne pus m’empêcher de lui faire présent de la pièce qu’il voulait acheter. Il me parla de la comédie et des poètes avec tant d’esprit, qu’il me fut aisé de {NP6} le prendre pour un homme de lettres ; aussi se trouva-t-il l’un des plus fameux secrétaires de Saint-Innocent9. Il me fit offre de son service, et me montrant sa t[o]mbe ou sa place sous les charniers, car nous revînmes du Palais ensemble, nous nous séparâmes là, et je m’applaudis en secret d’en avoir si bien jugé. Voilà, Monsieur, l’un des plus grands avantages que cinq ou six bagatelles que j’ai mises au théâtre sous le nom de comédie, m’ont procuré avec justice. Cependant j’en ai dédié une partie aux gens de la plus haute qualité, et l’autre aux plus délicates plumes de notre siècle10, avec autant de fierté que si j’avais été Monsieur de Corneille, et si elles eussent été plus belles que Rodogune, Cinna et Pompée. Je m’imaginais même qu’ils m’avaient de grandes obligations quand ils rougissaient11, comme peut-être vous faites maintenant, de voir leur nom à la tête d’un ouvrage si indigne d’eux. Enfin je voulais à toute force faire le grand auteur, moi qui {NP7} ne sais presque pas lire, et qui n’ai étudié que Lazarille de Torme, Buscon et Fortunatus12. Mais, Monsieur, comme cette longue lettre est pour vous aussi inutile qu’elle sera ennuyante à tous ceux qui la liront, n’en lisez plus que la fin. Le libraire m’a secrètement prié de grossir le livre de quelque chose13. Mais je ne sais plus de quoi, si je ne dis encore que la louange qu’un nombre d’adulateurs donnent également à une bagatelle comme au poème le plus parfait achève bien de gâter les gens. Après la représentation de quelques unes des miennes, je m’en suis vu accablé dans notre Hôtel par ceux qui n’y payent point. L’on ne peut rien voir de plus plaisant, me disaient-ils, personne n’écrit si naturellement que vous ; il est impossible de mieux faire dans ce genre, et vous devriez écrire sans cesse. J’avalais cela comme du nectar, et le cœur enflé comme un ballon ; j’allais le lendemain au Palais exprès pour m’y faire {NP8} voir, car je m’imaginais que chacun m’y devait regarder avec admiration. Il en est quelques uns, beaucoup plus habiles que moi, mais qui ne sont guère moins faibles sur la bonne opinion d’eux-mêmes, qui avalent cette fumée d’aussi bon cœur que je faisais, et qui, si je ne me trompe, en avaleront encore autant et plus que moi avant qu’en être suffoqués, si dans l’aveu que je fais de mes sottises, ils ne reconnaissent le portrait des leurs14. Puisque je vois toutefois qu’elles donnent à rire aux habiles gens comme aux autres, je n’en veux pas demeurer là ; ils se divertissent à les voir, je me veux divertir à les faire. Mais je ne les dédierai plus aux gens de qualité ; les Illustres, comme les Ranchain, et les Pellisson, n’y verront plus leurs noms profanés. Ma foi je ne sais plus que dire, je vais finir, après vous avoir prié, Monsieur, que dans votre grande bibliothèque où vous vous promenez tous les jours au milieu de tant d’auteurs, Le Poète basque y prenne {NP9} place, puisque tous les auteurs s’y rangent ; et si vous lui faites cet honneur, je pourrai dire avec vérité que vous avez jusqu’au dernier des poètes, et jusqu’au dernier des auteurs15, puisque vous y avez celui qui est ravi de faire connaître à tout le monde que vous voulez bien qu’il se dise ici,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Poisson.