Préface
L’Aminte du Tasse, tragi-comédie pastorale. Accommodée au Théâtre Français.
Rayssiguier (sieur de)
Éditeur scientifique : Blondet, Sandrine
Description
Auteur du paratexteRayssiguier (sieur de)
Auteur de la pièceRayssiguier (sieur de)
Titre de la pièceL’Aminte du Tasse, tragi-comédie pastorale. Accommodée au Théâtre Français.
Titre du paratexteAu Lecteur
Genre du textePréface
Genre de la pièceTragi-comédie pastorale
Date1632
LangueFrançais
ÉditionParis, Augustin Courbé, 1632, in-8. (Numérisation en cours)
Éditeur scientifiqueBlondet, Sandrine
Nombre de pages3
Adresse source
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Rayssiguier-Aminte-Preface.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Rayssiguier-Aminte-Preface.html
Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Rayssiguier-Aminte-Preface.odt
Mise à jour2015-10-20
Mots-clés
Mots-clés français
SourcesAminta du Tasse
DramaturgieRègle des vingt-quatre heures / diversité des accidents ; régularité / irrégularité ; raconter / représenter
TempsUnité
RéceptionSuccès des représentations ; goût du public de l’Hôtel de Bourgogne pour la « diversité »
Relations professionnellesAuteur attentif au / tributaire du profit des comédiens
AutreExcellence du Tasse
Mots-clés italiens
FontiAminta di Tasso
DrammaturgiaRegola delle ventiquattro ore / diversità degli accidenti ; regolarità / irregolarità ; raccontare / rappresentare
TempoUnità
RicezioneSuccesso delle rappresentazioni ; gusto del pubblico dell’ Hôtel de Bourgogne per la diversità
Rapporti professionaliAutor attento al / dipendente dal profitto dei comici
AltriEccellenza di Tasso
Mots-clés espagnols
FuentesAminta de Tasso
DramaturgiaRegla de las veinticuatro horas / diversidad de los accidentes ; regularidad / irregularidad ; contar / representar
TiempoUnidad
RecepciónÉxito de las representaciones ; gusto del público del Hôtel de Bourgogne por la « diversidad »
Relaciones profesionalesAutor atento al / dependiente del provecho de los actores
OtrasExcelencia de Tasso
Présentation
Présentation en français
Sous couvert d’humilité, la préface de Rayssiguier rend hommage à « l’excellence » de son modèle, pour ensuite prendre quelque distance avec lui. Il déclare notamment avoir préféré « faire paraître les effets » que le Tasse se contentait de décrire. De fait, contrairement à son modèle, à son rival d’Alibray4, ou aux pastorales contemporaines pourvues d’épisodes similaires (les Fillis de Scire de Pichou et de Ducros), Rayssiguier choisit de représenter sur scène, au risque de heurter les bienséances, la nudité des jeunes filles au bain, l’agression du satyre et le suicide d’Aminte. Il appuie ce parti-pris dramaturgique sur le goût du public de l’Hôtel de Bourgogne, réputé amateur de « diversité et changement de la face du théâtre » et friand d’« accidents et aventures extraordinaires » – susceptibles d’ailleurs de lui « ôt[er] la connaissance du sujet », de l’emporter sur sa perception globale de l’intrigue et, par là, de lui faire perdre la notion du temps.
C’est cette concession au goût du public qui, seule, l’amène à malmener une conception régulière dont le texte semble pourtant porteur. Ainsi, non seulement Rayssiguier fait état « de la nature de ce poème et de la rigueur de ses règles », mais il étaye plus largement la régularité sur l’autorité des Anciens (« tous les anciens se sont attachés à cette rigueur ») et sur son efficacité dramaturgique (« il est presque impossible en la suivant de faire paraître aucune action contre le sens commun, ou contre le jugement »). Au bout du compte, la préface de son Aminte concilie les deux sphères de l’activité théâtrale : au pôle dramatique de la composition, qui voit le dramaturge se rallier à la régularité, répond celui de sa réception, liée au plaisir et aux exigences du public, au goût duquel auteurs et comédiens sont contraints de se plier. Ainsi s’explique en l’occurrence le décalage entre la réputation de l’Hôtel de Bourgogne et la régularité que revendique Rayssiguier. La conciliation des deux tendances illustre la neutralité tolérante qu’il revendique à l’égard des positions des uns et des autres.
Texte
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Au Lecteur
{NP1} C’est être bien hardi que d’entreprendre de te faire voir l’Aminte du Tasse en notre langue, et de vouloir faire monter ce pasteur étranger sur notre théâtre. Ceux qui connaissent l’excellence de son auteur n’y trouveront pas peut-être toutes ses grâces, et les autres, sans chercher des raisons ailleurs, me blâmeront de cette entreprise5. Prends la peine de lire mes vers, et attends d’en dire ton avis que tu aie[s] tout lu. Je te donne cette punition, cependant que j’attendrai sans beaucoup m’émouvoir tout ce qui m’en peut arriver. Si je dois croire pourtant ceux qui l’ont vu, qui ont l’oreille et le goût aussi délicats que tu saurais avoir, tu y trouveras des choses qui te contenteront6. Je n’ai pas entièrement suivi mon auteur, pour vouloir faire paraître les effets dont il ne {NP2} fait que la description – outre que l’on sait bien qu’il est difficile de suivre ou d’imiter cet Italien7. Je ne m’amuserai point à te parler de la nature de ce poème, ni de la rigueur de ses règles : les préfaces de quelques-uns de nos écrivains8 sont assez amples pour t’en instruire sans que je t’en parle, et me suffit que je les aie suivi[es] exactement et que je fasse voir que notre théâtre peut être aussi agréable en observant les règles où cette sorte de poème nous engage, que dans la liberté que nous avons prise. Je ne blâme personne, et disant mon avis hardiment, je crois que l’un[e] et l’autre façon d’écrire doit être soufferte9 sans blâme. La première, parce que tous les anciens [s]e sont attachés à cette rigueur, et qu’il est presque impossible en la suivant de faire paraître aucune action contre le sens commun, ou contre le jugement. Et l’autre, parce que la plus grande part de ceux qui portent le teston10 à l’Hôtel de Bourgogne veulent que l’on con{NP3}tente leurs yeux par la diversité et changement de la face du théâtre11, et que le grand nombre des accidents et aventures extraordinaires leur12 ôte la connaissance du sujet. Ainsi, ceux qui veulent faire le profit et l’avantage des messieurs qui récitent leurs vers sont obligés d’écrire sans observer aucune règle. Les plus fins de l’un et de l’autre parti sont bien empêchés de faire quelque chose où il n’y ait rien à redire. Pour moi, je fais état de ce qui est bon où je le trouve, et crois que les plus raisonnables font de même que moi. Chacun est libre pourtant de dire son avis de toutes choses. Je me range13 avec douceur au jugement des honnêtes gens, et ris de celui des autres. Aussi écris-je avec cette résolution de ne me soucier pas beaucoup du blâme que possible14 quelques-uns me donneront, et de ne m’élever pas des louanges que je pourrais recevoir des autres. En un mot, Lecteur, je ne crains point qu’il m’en arrive rien qui me fâche. Adieu.