IdT – Les idées du théâtre


 

Dédicace

Ballet Comique de la Reine Fait aux Noces de Monsieur le Duc de Joyeuse et Mademoiselle de Vaudemont sa sœur

Beaujoyeulx, Balthazar de        .

Éditeur scientifique : Naudeix, Laura

Description

Auteur du paratexteBeaujoyeulx, Balthazar de        .

Auteur de la pièceBeaujoyeulx, Balthazar de

Titre de la pièceBallet Comique de la Reine Fait aux Noces de Monsieur le Duc de Joyeuse et Mademoiselle de Vaudemont sa sœur

Titre du paratexteAu Roi de France et de Pologne

Genre du texteDédicace

Genre de la pièceBallet

Date1581

LangueFrançais

ÉditionParis, Adrian Le Roy, Robert Ballard, Mamert Patisson, 1582, in-4°

Éditeur scientifiqueNaudeix, Laura

Nombre de pages5

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1110737

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Beaujoyeulx-Balletcomique-Dedicace.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Beaujoyeulx-Balletcomique-Dedicace.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Beaujoyeulx-Balletcomique-Dedicace.odt

Mise à jour2013-11-14

Mots-clés

Mots-clés français

GenreBallet

SourcesMythologie

SujetAllégorique

DédicataireAssimilation allégorique

FinalitéPasse-temps ; représentation des troubles du pays

ActualitéHarmonie universelle

Mots-clés italiens

GenereBalletto

FontiMitologia

ArgomentoAllegorico

Dedicatario e PersonaggioAssimilazione allegorica

FinalitàPassatempo ; rappresentazione delle sommosse del paese

AttualitàArmonia universale

Mots-clés espagnols

GéneroBallet

FuentesMitología

TemaAlegórico

Dedicatario y personajeAsimilación alegórica

FinalidadPasatiempo ; representación de los disturbios del país

ActualidadArmonía universal

Présentation

Présentation en français

Le Ballet comique de la Reine fut représenté le soir du dimanche 15 octobre 15811 à Paris, à l’occasion des noces d’Anne, baron d’Arques, vicomte de Joyeuse, nouvellement créé duc de Joyeuse, et favori du roi Henri III. Il avait été commandé par la reine Louise de Lorraine en l’honneur de la mariée, sa propre sœur, Mademoiselle de Vaudemont, au violoniste et maître à danser d’origine Lombarde Baldassare ou Baldassarino da Belgioioso (avant 1535- vers 1587)2. Ce dernier avait francisé son nom depuis son arrivée en France aux alentours de 15553, et avait fait une carrière brillante au service de Catherine de Médicis, son fils Charles IX, puis d’Henri III en obtenant en 1575 le titre de valet de chambre4. Considéré par son ami Brantôme comme un excellent musicien et un fin lettré5, proche des membres de l’Académie de musique et de poésie fondée par Jean-Antoine de Baïf en 1571, tout comme l’un des compositeurs et interprètes du ballet, Girard de Beaulieu, il avait réglé pour la cour de France deux divertissements où la danse occupait déjà une place importante : La Défense du Paradis, en 1572, et le « Ballet aux ambassadeurs polonais », en 1573.

Le Ballet comique de la Reine ne constitue donc pas une première, mais, notamment par la parution l’année suivante d’un volume destiné à conserver le souvenir du spectacle, il est considéré aujourd’hui comme un spectacle fondateur dans l’histoire de la danse et de la musique en France6. Le livre, publié le 13 février 1582 par Adrien Le Roy, Robert Ballard et Mamert Patisson, « Imprimeurs du Roy », contient en effet un matériel très important : une description détaillée de l’appareil scénique, puis du spectacle, les vers déclamés et chantés, la partition musicale et de nombreuses images de la salle et des personnages, le nom des artistes, ainsi qu’une explication de l’allégorie de Circé ; enfin, les gravures représentant les médailles offertes à la fin de la représentation par les nymphes aux membres de la cour les plus prestigieux. Il contient également plusieurs pièces liminaires : la dédicace au roi par Beaujoyeulx, une ode au roi, en vers latins d’Alexandre Le Barbier (signée Pogoesaeus), trois pièces en vers à la gloire de Beaujoyeulx, œuvres de Claude Billard de Courgenay, Auguste Costé, et Volusian, enfin un avis au lecteur de l’auteur du ballet. Nous avons également considéré les premières pages du ballet contenant le récit des circonstances de la commande, le nom des différents auteurs, équipe artistique dont Beaujoyeulx assume la direction, et la description de la salle, comme pouvant entrer dans le paratexte.

La dédicace a pour but de se justifier par le moyen d’une défense du divertissement du ballet, puis de sa publication. Beaujoyeulx établit d’abord un parallèle, fondé sur l’alliance de l’utile et de l’agréable, entre les exploits du monarque et son souci de procurer à lui-même et à sa cour des divertissements exceptionnels. C’est ce caractère doublement admirable qui légitime que, tout comme l’histoire conserve le souvenir des hauts faits, la publication du livre garde en mémoire le ballet, même si, comme un confit ne peut donner le goût véritable d’une viande, l’imprimé ne peut rendre l’effet réel de la représentation. Il permettra également de montrer que le roi sait protéger non seulement des héros mais aussi de grands esprits. Par des allusions aux désordres traversés par le royaume, dont ont pris soin le roi et la reine mère, Beaujoyeulx justifie enfin l’allégorie qui préside au spectacle, celle de l’enchanteresse Circé, défaite par le dieu Jupiter, « histoire poétique » du monarque qui entérine la comparaison du roi de France au dieu garant de l’harmonie universelle. Par la correction imposée à l’expression « comique » (« ou si l’on veut, comique »), Beaujoyeulx fait une première référence au titre de l’œuvre, qui est explicitée dans l’avis au lecteur7.

Texte

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Au Roi de France et de Pologne8

Sire,

[NP1] D’autant qu’en maniant le gouvernail de l’empire français, vous avez atteint les deux points de la perfection de toute humaine action, l’utile et l’agréable9, il semble aussi plus que raisonnable que vos mérites soient célébrés en l’une et l’autre sorte. Pour l’utile, vos conduites d’armées, batailles, rencontres, sièges, prises de villes, trophées, voyages et sceptres, par la déduction10 de tous ces faits héroïques, feront assez de foi11 combien Votre Majesté aura servi à la conservation, restauration et grandeur de cette couronne. Et l’histoire française pour ce regard, Sire, vous pourrait bien bailler non pas des compagnons, mais bien quelques seconds, rois à la vérité remplis de beaucoup de valeur, honorés de plusieurs belles conquêtes, et recommandables après vous à tout le siècle à venir. Mais quant à l’agréable, d’avoir su tempérer cette martiale inclination, de plaisirs honnêtes, de passe-temps exquis, de récréation émerveillable12 en sa variété, inimitable en beauté, incomparable en sa délicieuse nouveauté, l’on me pardonnera si je maintiens que vous [NP2] n’avez eu ni prédécesseur, ni aurez, comme je pense, de successeur. Or comme tous ces faits héroïques pourraient par ce père inhumain Saturne, être dévorés avec ses dents d’oblivion13, s’ils n’étaient garantis par quelques défenses, et maintenus par la protection d’une histoire fameuse, pareillement toutes ces triomphantes allégresses, faites pour donner relâche à votre belliqueuse main, retourneraient en leur obscurité et méconnaissance première, dont leur mère Invention les a extraites14, si elles n’étaient par le discours et l’écriture consignées à la mémoire15. D’en dédier à Votre Majesté le livre, il n’est non plus de besoin d’en déclarer ici non les raisons, mais les nécessités, qu’il serait de rapporter à la louange de l’auteur de toutes choses ces belles harmonies du monde que nous voyons, ces belles variations que nous produisent les saisons, et bref tout l’heur et contentement qu’en cette basse demeure nous respirons16. Votre Majesté a[-t-]elle voulu montrer combien elle pouvait répandre de douceur, de délectation, et de bonne odeur de paix sur son peuple ? A[-t-]elle voulu rafraîchir sa noblesse de tant de fatigues militaires ? Voilà mille plaisirs et passe-temps honnêtes, avec dextérités promptes à votre service qui apparaissent, pour faire connaître à tous les rois vos voisins, et à tous les peuples plus lointains quelle est sa grandeur, quelle est son obéissance, quelle est de son royaume la fertilité et l’abondance non seulement en vaillants hommes, mais en grands et délicats esprits. Et qu’après tant de troubles elle [NP3] pouvait s’égayer17 entre ses sujets avec plus de splendeur et magnificence que ne sauraient faire les autres monarques avec une longue paix et tranquillité. Et comme la meilleure composition et habitude de la personne se connaît, quand après quelque griève18 maladie, lui reste encore une disposition que les plus forts et roides feindraient bien à vouloir imiter19, ainsi, après plusieurs désordres advenus20, voir encore de reste une si grande affluence de bonnes humeurs, une si gaillarde disposition de bonnes volontés et de gentils entendements pour effectuer ce qu’avez désiré, cela servira de vraie et infaillible marque de bon et solide établissement de votre Royaume. Je ne veux pas aussi en cet endroit soustraire l’honneur à ceux qui ont médeciné et pansé21 la maladie, singulièrement à cette Pallas la reine votre mère22, qui a veillé tant de nuits, employé tant de jours, donné tant de sages conseils, et appliqué tant de salutaires remèdes23, qu’enfin la guérison s’en est ensuivie, le beau teint est revenu à votre France, le bon appétit de vous fidèlement servir, les jambes et bras robustes pour vous secourir, le cœur et l’entendement sain pour y faire la paix revivre et fleurir. Le discours de tout cela, Sire, vous est ici au vif24 et plaisamment représenté sous la fabuleuse narration de l’enchanteresse Circé25, laquelle avez vaincue par votre vertu avec trop plus26 de louange qu’Ulysse, auquel le grand Alexandre porta envie pour avoir été si dignement célébré par Homère27. En somme ce sera votre histoire poétique, ou bien si l’on veut, comique28, qui vous fera renommer29 entre [NP4] toutes manières d’hommes, même entre ceux qui ne chercheraient point les choses sérieuses. Vous serez trouvé avec Jupiter entre la plupart des dieux et déesses, j’entends des assistances divines, exterminant l’enchantement du vice30. Ainsi votre nom, Sire, vivra à jamais, parfumé de cette gracieuse senteur non seulement de vertueuse réputation, mais d’agréable délectation. Suppliant très humblement Votre Majesté, que puisqu’elle a eu agréable entre tant d’autres belles et superbes représentations l’exécution de mon petit dessein, que la mémoire que j’en désire perpétuer et communiquer par ce petit recueil à ceux qui ne l’ont pas vu lui puisse être recommandable. Et comme les viandes délicieuses qu’une saison dénie à l’autre, ou dont un pays est avantagé sur les autres contrées voisines, par le moyen de la confiture31 se conservent et se transportent, et donnent de l’admiration et bénédiction au terroir qui les porte, ainsi cette réfection32 d’esprit que vous avez trouvée plaisante, et qui ne croît point encore ailleurs qu’au pays de votre obéissance, confite au sucre de votre bonne grâce, assaisonnée de votre contentement, et conservée dans la boîte de ce petit monument, puisse à toutes les autres nations donner à goûter du nectar et de l’ambroisie dont vous vous êtes repu, et avez rassasié les appétits de votre peuple, sans toutefois que jamais le vrai goût puisse parvenir à d’autres qu’à ceux qui ont considéré par effet33 la splendeur de Votre Majesté, présidente au milieu de tant de raretés, de tant de somptuosités, [NP5] et sans que l’on puisse imaginer le bel ordre d’un si grand nombre de diversités, de tant de différentes, excellentes néanmoins et vivantes beautés, et de tant d’admirables voix, soit pour réciter, soit pour chanter34. Ce qu[i] à la vérité, Sire, n’appartenant qu’à votre grandeur, ne vous sera point envié, ni personne ne se promettra, quelque grand qu’il soit, de le pouvoir égaler. La prééminence de cela en demeurera à Votre Majesté, comme la préséance de sa dignité surpasse tous les autres Rois Chrétiens. Invoquant sur ce le père universel tant favorable et doux, à ce qu’il lui plaise vous continuer et ses grâces et ces contentements jusques à une telle vieillesse, que l’on puisse dire de Votre Majesté,

Et verras de ta race
Double postérité
:
Et sur les Français grâce
,
Paix et félicité.

Votre très humble et très obéissant serviteur et sujet, De Beaujoyeulx.