Préface
Les Mots à la mode, petite comédie augmentée de quantité de vers qui n’ont pas été dits sur le théâtre
Boursault, Edme
Éditeur scientifique : Thouret, Clotilde
Description
Auteur du paratexteBoursault, Edme
Auteur de la pièceBoursault, Edme
Titre de la pièceLes Mots à la mode, petite comédie augmentée de quantité de vers qui n’ont pas été dits sur le théâtre
Titre du paratexteAu lecteur
Genre du textePréface
Genre de la pièceComédie
Date1694
LangueFrançais
ÉditionParis, Jean Guignard, in-12°
Éditeur scientifiqueThouret, Clotilde
Nombre de pages3
Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k74079n
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Boursault-MotsMode-Preface.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Boursault-MotsMode-Preface.html
Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Boursault-MotsMode-Preface.odt
Mise à jour2014-12-02
Mots-clés
Mots-clés français
GenreComédie ; comédie en un acte
SourcesFrançois de Callières, Des Mots à la mode
SujetPeinture des ridicules
ActionComique
ReprésentationPublic
RéceptionSuccès ; plaisir et rire ; femmes ; frustration, comblée par l’ajout de vers à la publication
FinalitéMorale ; satire ; correction des mœurs ; théâtre miroir du monde
ExpressionExpressions ridicules et extravagantes
ActualitéPolémique sur le théâtre ; réponse à Bossuet
Mots-clés italiens
GenereCommedia ; commedia in un atto
FontiFrançois de Callières, Des Mots à la mode (Parole alla moda)
ArgomentoPittura dei ridicoli
AzioneComica
RappresentazionePubblico
RicezioneSuccesso ; diletto e riso ; donne ; frustrazione, soddisfatta coll’aggiunta di versi nella pubblicazione
FinalitàMorale ; satira ; correzione dei costumi ; teatro specchio del mondo
EspressioneEspressioni ridicole e stravaganti
AttualitàPolemica sul teatro ; risposta a Bossuet
Mots-clés espagnols
GéneroComedia ; comedia en un acto
FuentesFrançois de Callières, Des Mots à la mode
TemaPintura de los ridículos
AcciónCómica
RepresentaciónPúblico
RecepciónÉxito ; placer y risa ; mujeres ; frustración, colmada por la adición de versos en la publicación
FinalidadMoral ; sátira ; corrección de las costumbres ; teatro espejo del mundo
ExpresiónExpresiones ridículas y extravagantes
ActualidadPolémica sobre el teatro ; respuesta a Bossuet
Présentation
Présentation en français
Après avoir mentionné la source de sa pièce, un livre qui condamne les manières de parler ridicules et affectées, et sa volonté de donner par le théâtre une diffusion plus large à cette dénonciation, Boursault évoque le succès de sa comédie, dans lequel il voit une justification de son entreprise. Il excuse ensuite les mots un peu libres qu’on y trouve par l’usage qui en est fait dans le monde et proteste de son intention de corriger les mœurs par le rire. On reconnaît ici les deux chefs d’accusation majeurs des adversaires du théâtre, et de Bossuet en particulier, contre la comédie : l’obscénité et la corruption des mœurs. Enfin, la préface s’achève sur un argument de vente : l’auteur signale l’ajout, pour la publication, de nouveaux vers et donc d’expressions risibles.
Le dramaturge développe en fait une brève et classique défense et illustration de l’utilité morale de la comédie. Le premier argument consiste en une disqualification de l’adversaire : les leçons, autrement dit les sermons, sont sans effet sur les esprits, sinon par la crainte. Pour engager les hommes dans la voie de la réforme des mœurs, il faut leur plaire, en quelque sorte les séduire par le divertissement : l’idée se trouvait déjà chez Scudéry qui voyait dans le poème dramatique « cet agréable habit, [sous lequel] se déguise la philosophie, de peur de paraître trop austère aux yeux du monde »1. Puis Boursault en vient à la dynamique affective propre à la comédie et par laquelle le spectateur se corrige de ses ridicules ; elle combine le rire, l’amour-propre et la capacité à se projeter dans la situation du personnage : le spectateur rit du personnage ridicule, il se met à sa place s’il partage son ridicule, la perspective d’être moqué lui fait quitter ce comportement. La démonstration s’achève alors par l’exemple des Mots à la mode : en faisant des expressions affectées et des noms d’accessoires au sémantisme obscène la cible du rire, il espère en débarrasser le langage et en particulier celui des femmes. Le texte répond donc de trois manières aux accusations de Bossuet : bien loin que la comédie répande « les expressions les plus impudentes » ou « les équivoques les plus grossières », elle cherche à les faire disparaître ; bien loin qu’elle insinue le péché dans l’âme des spectateurs par la faille du plaisir sensible, elle parvient au contraire à insinuer les bonnes mœurs par la faille de l’amour-propre ; bien loin que le rire entretienne l’emportement et la déraison, il œuvre pour la raison et ramène les femmes à la pudeur.
Texte
Afficher les occurrences dans les notes
Au lecteur
[NP1] Un petit livre intitulé Les Mots à la mode, que l’on vend chez Barbin et qui a eu toute la réputation qu’il mérite, m’inspira la pensée de faire cette comédie2. Quelque débit que ce livre ait eu, je crus qu’il ne ferait pas tout l’effet que son auteur s’était proposé si l’on ne pesait un peu plus sur ceux qui se rendent ridicules par des façons de parler aussi extravagantes que les personnes qui ont l’impertinence de les inventer, et je ne doutai point que, le théâtre étant un miroir plus grand que la boutique d’un libraire, ceux qui s’y verraient ne s’aperçussent mieux de leurs défauts3. Le succès a justifié ma pensée : le plaisir qu’on a pris et qu’on prend encore tous les jours à voir cette bagatelle4 est une preuve que les portraits, quoiqu’un peu outrés, y sont ressemblants, et qu’au moins les auditeurs y reconnaissent leurs voisins si leur amour-propre les empêche de s’y reconnaître eux-mêmes5. Si cette pièce paraît un peu libre6, ce n’est pas à moi [NP2] qu’il s’en faut prendre, c’est aux libertés que l’on se donne, et qui vont si loin qu’il semble qu’on se fasse un mérite de joindre l’effronterie au luxe par les noms odieux dont les femmes salissent leurs ajustements7. Les vers que je mets dans la bouche du seul personnage raisonnable que j’y introduis font assez connaître l’intention que j’ai eue, et qu’en faisant rire je cherche plus à corriger les mœurs qu’à les corrompre8. Tout ce qu’on a prêché et tout ce qu’on a écrit contre le luxe des coiffures effarouche et ne corrige point9 : la morale austère se fait moins aimer qu’elle ne se fait craindre, et qui veut qu’on profite de ses leçons doit donner envie de les entendre. En un mot, il faut prendre l’âme par son faible et tâcher de la conduire à la vertu par un chemin qui ne la rebute pas. Rien ne fait mieux revenir les gens du ridicule qu’ils ont que de leur en faire dans autrui une peinture qui les divertisse : le plaisir qu’ils trouvent à s’en moquer leur fait appréhender de donner le même plaisir à d’autres, et c’est un joug qui les arrête d’autant mieux qu’il ne leur est imposé par personne10. Je me flatte qu’il en sera ainsi des Mots à la mode. Ce qu’on sent de joie à voir jouer publique[NP3]ment ceux qui les affectent deviendra un frein pour s’abstenir désormais de les redire, et pour peu que le sexe ait encore de pudeur11, il fera scrupule de la blesser par des termes dont il ne se peut servir sans faire soupçonner sa conduite12. Le grand défaut de cette petite comédie est que les auditeurs ne l’ont pas trouvée assez longue, ce qui m’a fait ajouter à l’impression plusieurs vers qui n’ont pas été dits sur le théâtre et qui, à ce que je crois, donneront une nouvelle satisfaction à ceux qui ont trouvé du plaisir à la voir représenter.